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Quel est votre diagnostic ? C'est le chancre à Massaria du platane

Dessèchements de branches et de charpentières de fort diamètreDe surprenants dessèchements de branches et de charpentières – de gros diamètre parfois – se remarquent au sein d'alignements réguliers de platanes communs (Platanus × acerifolia) de la région lyonnaise. Ce phénomène qui semble augmenter année après année aurait débuté il y a une décennie environ. Inquiétés par son ampleur dans certaines stations arborées, les gestionnaires cherchent à en comprendre l'origine.

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Sur les écorces en cours de mortalité ou sur des rhytidomes entièrement desséchés, des petits granules sombres proéminents apparaissent, surtout par temps humide. Ce sont les fructifications du champignon responsable des nécroses corticales. Il peut s'agir de périthèces hébergeant les asques et les ascospores de Splanchnonema platani (= Massaria platani) correspondant à la forme sexuée du parasite (forme téléomorphe). Bien souvent en mélange se trouvent des pycnides de Macrodiplodiopsis desmazieri (= Hendersonia desmazieri) correspondant à la forme conidienne du champignon (forme anamorphe).

MÉCANISMES EXPLICATIFS

C'est le dépérissement des méristèmes secondaires, provoqué ici par le Massaria, qui entraîne des colorations corticales sur la face supérieure des charpentières. De telles flammes colorées s'observent sur le tronc de platanes intoxiqués aux sels de déneigement ou atteints par la maladie du chancre coloré (Ceratocystis platani) et dont le cambium a été pareillement touché.

En raison de la rapidité de destruction des tissus opérée par le Massaria, les rhytidomes restent le plus souvent adhérents à l'aubier desséché. Ils se couvrent ensuite de petits granules noirs, les fructifications, signe évident de la présence active du champignon.

CONFUSIONS POSSIBLES

En l'absence de telles fructifications, il est possible de suspecter une brûlure corticale liée à l'effet du rayonnement solaire. Ce phénomène qualifié « d'échaudure » est connu sur les platanes taillés en tonnelle ou sur des sujets ayant subi de sévères tailles de rapprochement. Ces lésions évoluent le plus souvent en cavités formant de profondes « gouttières ». Un autre agent peut également provoquer des faciès chancreux étendus sur les charpentières : le phellin tacheté (Phellinus punctatus). Les lésions sont fusoïdes et l'écorce reste systématiquement adhérente. Des cals cicatriciels régressifs dessinent des ondulations caractéristiques à la périphérie du chancre. Dans la partie centrale, la fructification résupinée de teinte ocracée de ce redoutable champignon lignivore se remarque souvent.

ÉLÉMENTS DE BIOLOGIE

Massaria platani est connu de longue date et exclusivement sur le genre Platanus. La première description de la maladie est faite sur Platanus occidentalis aux États-Unis en 1934. Il est cité en Italie en 1978 et constaté en France en 1991 sur de jeunes platanes en pépinière et de récentes plantations dans la vallée du Rhône. Dans ces contextes, la pathogénicité du champignon est envisagée comme assez faible, la maladie se développant essentiellement sur des axes d'ordre 2 et sur des ramifications peu vigoureuses. La littérature professionnelle en provenance d'Allemagne et de Suisse évoque une forte explosion du chancre à Massaria en 2003 – année au cours de laquelle l'été fut caniculaire – et l'on supposa que les « échaudures corticales » survenues alors avaient favorisé l'installation du champignon.

Mais depuis quelques années, ce pathogène considéré comme un parasite de faiblesse s'est fortement développé sur des arbres adultes de pleine venue et en bon état physiologique. Les observateurs perplexes envisagent donc un pouvoir parasite plus important du Massaria platani. Les modalités de colonisation des tissus sont à ce jour inconnues, mais la progression du champignon dans les tissus vivants est rapide : en deux ou trois saisons, l'ensemble de la circonférence de l'axe peut être atteint, entraînant son dessèchement brutal.

CONTEXTE ET ENVIRONNEMENT DES ARBRES

Le champignon semble s'exprimer avec une plus forte fréquence sur certains types d'arbres. Ainsi, les platanes conduits en tonnelle dont les charpentières sont très exposées au rayonnement solaire portent facilement des chancres à Massaria sur la face supérieure de leurs charpentières. Les platanes adultes présentant une surdensité d'axes se montrent également plus vulnérables. Dans ce site, les arbres ont été entretenus autrefois sur « têtes de chat » et sont maintenant conduits en port libre. Les axes dominés et « surcimés » par leurs voisins se retrouvent particulièrement vulnérables à cette affection.

CONSÉQUENCES POUR LES ARBRES

Le dessèchement soudain d'axes de fort diamètre nuit à la silhouette du platane bien qu'il s'agisse le plus souvent de charpentières « couvertes » ne jouant pas un rôle essentiel dans l'architecture de l'arbre. Mais plus préoccupantes sont les conséquences sur la mécanique des axes atteints. Le champignon se répand en effet rapidement dans les tissus ligneux. Il altère le bois qui devient terne puis grisâtre tout en restant sec et assez dur, et la pourriture de type alvéolaire qu'il provoque dégrade ses propriétés mécaniques. Les branches touchées sur leur face supérieure se retrouvent fragilisées et peuvent facilement se rompre. Les axes qui ont depuis longtemps développé des cavités internes bien compartimentées sont tout particulièrement inquiétés, car le champignon endommage très vite la couronne de bois sain et les fragilise rapidement.

Par Pierre Aversenq, expert arboricole

Bibliographie : - Grosclaude C., Romiti C., Observations sur Massaria platani, parasite du platane en Provence. Petria Giornale di Patologia delle Piante, 1991, 1 (3), pp. 189-194. - Mattheck C., The mechanics of Massaria branch breakage in field guide for visual tree assessment, 2007, pp. 145-154.

Massaria platani : de petits granules noirsEn raison de la rapidité de destruction des tissus opérée par le Massaria, les rhytidomes se couvrent de petits granules noirs, les fructifications, signe évident de la présence active du champignon.

Le champignon altère le bois qui devient terne puis grisâtre tout en restant à la fois sec et assez dur.

Les branches touchées sur leur face supérieure se retrouvent fragilisées et peuvent facilement se rompre.

Les axes qui ont développé des cavités internes compartimentées sont particulièrement inquiétés.

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